Rachel Mugnier, Directrice Générale, Blum France
Rachel Mugnier (Blum) : « Bien malin qui saura dire, à l’heure où je vous parle, comment le marché réagira au drame qui se joue actuellement en Ukraine et qui, d’ores et déjà, nous impacte ! »
Jusqu’alors Responsable Marketing de Blum France, Rachel Mugnier occupe, depuis le 1er janvier 2022, le poste de Directrice Générale de la filiale tricolore du spécialiste autrichien en ferrures, charnières et coulissants. À l’intention des lecteurs de Cuisines & Bains Magazine, elle revient sur sa prise de fonctions, décrypte ce début d’année mouvementé et porte un regard passionnant sur les tendances actuelles en matière d’agencement de la cuisine.
Cuisines & Bains Magazine : Vous présidez aux destinées de Blum France depuis le 1er janvier 2022, en remplacement de Christophe Chenu, qui s’est lancé un nouveau défi en devenant entrepreneur dans le secteur de l’agencement : comment se passe cette prise de fonctions ?
Rachel Mugnier : Ma foi, fort bien ! Cela n’est certes pas une tâche aisée que de marcher dans les pas de Christophe – qui a mis au service de l’entreprise, 14 ans durant, son talent, son efficacité et son empathie pour lui insuffler une dynamique de croissance certaine – mais je mets tout en œuvre pour qu’il soit fier de moi (rires) ! Plus sérieusement, Fabien George, le nouveau Directeur Général Adjoint, et moi-même avons vite trouvé nos marques, et nous nous sommes répartis les tâches en bonne intelligence. Incidemment, nous avons conservé les fonctions que nous occupions avant le départ de Christophe; Fabien demeure Responsable Logistique et Transport, tandis que je continue de m’occuper du Marketing.
Je tiens par ailleurs à préciser que nous avons la chance, Fabien et moi, de pouvoir compter sur des équipes – au siège et sur la route – absolument formidables, qui ont beaucoup contribué à faciliter notre prise de fonctions. Je ne saluerai jamais assez leur implication au quotidien pour nous soulager de certaines tâches, ainsi que leur envie de construire et de progresser avec nous.
CBM : Il y a presque un an jour pour jour, Christophe Chenu évoquait, dans les colonnes de ce hors-série annuel, une entreprise travaillant «en mode commando depuis plusieurs mois pour répondre au mieux aux attentes et aux besoins de nos clients » ; les tensions qui pèsent sur la chaîne logistique se sont-elles apaisées, depuis ?
Rachel Mugnier : Nous avons connu, lors des mois de janvier et de février 2022, une activité toujours très soutenue, suivant en cela la tendance du 2ème semestre 2021. Néanmoins le groupe a pris des mesures énergiques pour répondre à cet accroissement presque exponentiel de la demande ; de nouvelles chaînes de montage ont notamment été mises en activité en Autriche, renforçant ainsi notre capacité de production. En ce qui concerne les approvisionnements en matières première, la situation, depuis deux mois, semble aller en s’améliorant, et nous commençons à recevoir dans les délais impartis presque tout ce dont nous avons besoin; je songe notamment à l’acier. Néanmoins, nous demeurons vigilants concernant ce matériau bien spécifique; si le secteur de l’automobile, consommateur d’acier très important, venait à renouer avec une croissance forte, la situation pourrait se tendre à nouveau… Pour l’heure, cela ne semble pas encore être le cas.
Je me résume : nous disposons aujourd’hui de capacités de production accrues par rapport à l’an passé et nos approvisionnements en matières premières correspondent – presque – aux besoins réels de nos clients. Tout satisfaisant qu’il soit, ce constat ne doit cependant pas occulter deux sujets majeurs : la hausse sensible des prix desdites matières premières et le contexte géopolitique très préoccupant, qui suscite une grande prudence quant aux perspectives de développement du marché dans les mois à venir.
CBM : Touchez-nous un mot, justement, de ces perspectives…
Rachel Mugnier : Bien malin qui saura dire, à l’heure où je vous parle (NDLR : entretien réalisé le lundi 21 mars 2022), comment le marché réagira au drame qui se joue actuellement en Ukraine et qui, d’ores et déjà, nous impacte : difficulté à trouver des chauffeurs pour le transport, inflation, ambiance anxiogène pouvant (ou non) freiner la consommation, etc. Par ailleurs, la crise ukrainienne pourrait en masquer une autre ; je songe à un éventuel retour du COVID, dont on parle beaucoup moins à l’heure actuelle, mais qui n’a peut-être pas fini de faire parler de lui.
Que vous dire à ce stade concernant les perspectives (NDLR: pour rappel, Blum, qui clôture chaque année son bilan au 30 juin, a affiché, pour l’exercice 2020-2021, un CA de deux milliards, trois cent soixante-seize millions, sept-cent cinquante mille euros, en augmentation de 24,7 %, soit 470 millions d’euros, et la filiale française a, elle aussi, connu une croissance significative) ? Nos premières prévisions tablaient sut une stagnation, voire une légère croissance sur l’exercice en cours; nous affichions un certain optimisme du fait de la confiance dont témoignaient nos clients, de la recherche croissante de bien-être dans la maison et de meubles de qualité, ou encore de statistiques de déménagement, en France, exceptionnelles… Depuis, une guerre est en cours en Ukraine et la prudence est de mise.`
CBM : Quel bilan tirez-vous de votre participation à l’édition 2021 du salon ESPRITMEUBLE/ESPRITCUISINE, en novembre dernier ?
RM : Nous sommes très satisfaits de notre participation à ce salon ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous renouvellerons l’expérience en novembre prochain. J’ai été, pour ma part, très agréablement surprise par un visitorat de grande qualité et, surtout, « panaché » : artisans, agenceurs, architectes, distributeurs de meubles et de cuisines, industriels, etc. Autant de belles rencontres avec des acteurs du marché portant des projets très intéressants, et en recherche d’informations sur les nouveautés.
Je n’oublie pas non plus de saluer les organisateurs de cet évènement, très qualitatif en matière d’organisation, de scénographie et de convivialité. Retrouver le chemin des salons et rencontrer à nouveau les professionnels du secteur nous fait un bien fou ; nous avons d’ailleurs hâte de participer, en juin prochain, à Eurobois (Lyon Eurexpo), qui nous permettra notamment de lancer officiellement, en France, notre nouveau tiroir MERIVOBOX.
CBM : La conférence «Perspectives Meuble & Maison 2022» qu’a tenue l’IPEA/Institut de la Maison en début d’année a notamment mis en lumière le besoin croissant d’optimiser l’espace dans la cuisine : partagez-vous ce constat ?
RM : Tout à fait! Nous sommes, d’une part, très proches de nos clients (fabricants comme artisans), qui nous font remonter de nombreuses informations. D’autre part, nous nous efforçons, depuis de nombreuses années déjà, de filmer et d’étudier les particuliers dans leur cuisine, afin de cerner au mieux leurs modes de vie et leurs besoins. Aussi je rejoins en tous points le constat que fait l’IPEA : la taille des logements qui va en se réduisant, la généralisation du télétravail, la tendance croissante du vrac, l’explosion du petit électroménager et la nécessité de lui consacrer des zones de rangement… sont autant de raisons qui doivent amener tous les acteurs du marché à raisonner en termes d’optimisation de la pièce cuisine !