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3.10.2023

Quel avenir pour un marché de l’immobilier en crise ?

Quand l’immobilier va, tout va. Or, avec des taux de crédits qui se sont envolés depuis le début de l’année, les ventes dans l’immobilier ancien s’effondrent. Comment en sommes-nous arrivés là ? À quelle situation faut-il s’attendre pour 2024 ? La dynamique de l’industrie immobilière, si décisive pour la filière de l’ameublement, va-t-elle reprendre ? Éléments de réponses.

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2021. Nous sommes en pleine ère Covid. Artificiellement dopé par des taux de crédits immobiliers au plus bas (entre 0 et 1 %), un fort appétit des Français pour la résidence secondaire et de nombreux exodes ruraux liés au ras-le-bol des confinements vécus en appartement, les ventes dans l’immobilier ancien s’emballent. En fin d’année, le verdict tombe : les transactions ont bondi, en France, de 15 % par rapport à 2020, pour atteindre un niveau de volumétrie jamais égalé dans l’histoire hexagonale sur douze mois : 1,2 million d’actes authentiques signés. Intimement lié à ce marché de l’immobilier (« on sait combien les déménagements alimentent les achats de produits pour l’équipement de la maison », a coutume de rappeler Christophe Gazel, directeur de l’Ipea – Institut de la maison), celui de la cuisine équipée s’envole : un CA de 4,18 Mds €, en progression de 19,5 % !

2022. Toujours alimenté par des taux d’emprunts immobiliers attractifs (2,22 % au quatrième trimestre, soit, tout de même, un record depuis près de 10 ans !), les ventes d’appartements et de maisons résistent. Certes, une lente érosion s’est installée en terme de volumétrie transactionnelle par rapport à l’année record de 2021, « mais il n’y a rien d’alarmant, affirmait, à cette époque, Loïc Cantin, président de la Fnaim (Fédération nationale de l’immobilier). Avec 1 100 000 transactions, l’année a été la deuxième meilleure année de l’histoire. Et rappelons-nous qu’en 2009, le marché ne représentait que 500 000 transactions… »

400 % de hausse pour les taux de crédits en 18 mois

2023 se profile, et les premiers ennuis commencent pour l’industrie immobilière. Avec, en guise de principal virus pour toute une filière : l’inflation, qualifiée aujourd’hui par Caroline Arnould, directrice générale du courtier en crédit Cafpi, de « principale raison conjoncturelle de la crise immobilière que nous vivons ».

Pour expliquer ce choc inflationniste, rafraîchissons-nous la mémoire. En premier lieu, la fin de la crise sanitaire, quelques mois plus tôt, a entraîné une hausse de la consommation et des prix. Par ailleurs, le début du conflit en Ukraine a déclenché de fortes tensions sur les coûts de l’énergie et de nombreuses denrées agricoles. Pour juguler ce choc et donc freiner l’inflation, « les banques centrales ont alors eu recours à l’outil du taux, qu’elles décidèrent de remonter », explique Caroline Arnould. C’est ainsi que, depuis début 2022, « la Banque centrale européenne (BCE) a rehaussé à neuf reprises l’un de ses trois taux directeurs », rappelle-t-on dans les colonnes de Capital avec, pour conséquence, un coût de l’argent qui a augmenté pour les établissements bancaires. En retour, ces derniers n’ont eu d’autre choix que de répercuter ces hausses en augmentant les taux de crédit. « En 18 mois, les taux de crédits immobiliers ont été multipliés par quatre ! », rappelle Caroline Arnould. Conséquence : la production de crédits a enregistré, sur la période, une baisse significative, avec un montant total des nouveaux crédits à l’habitat octroyés qui a reculé de 40 % au premier semestre 2023 par rapport au premier semestre 2021.

Des porteurs de projets immobiliers dans l’impasse

Quel résultat pour le secteur de l’immobilier ? À l’aube de l’année 2024, il est en crise. « Il faut réaliser qu’entre janvier 2022 et mai 2023, les emprunteurs ont vu leur capacité d’emprunt chuter de 20 %, ce qui représente en moyenne une perte de pouvoir d’achat de 40 000 euros », rappelle Loïc Cantin. « Les porteurs de projets immobiliers sont dans l’impasse », déplore, pour sa part, Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt (750 agences immobilières en France). Et ce dernier de prendre en exemple la situation vécue par les primo-accédants (généralement de jeunes porteurs de projets immobiliers qui accèdent pour la première fois à la propriété) : « En 2019, 56 % des acquisitions faites au sein du réseau Laforêt l’étaient par des primo-accédants ; en 2023, le chiffre est tombé à 19 %. » Autre exemple qui témoigne de la forte contraction du marché immobilier dans l’ancien en 2023 : au premier semestre, le réseau Century 21 France, qui compte 960 agences immobilières, a accusé un repli de ses volumes de 14,1 % vs. le premier semestre 2022.

700 promoteurs immobiliers ont déposé leur bilan en 2023

Pire : dans l’immobilier neuf, la situation se révèle plus préoccupante encore. Certes plus petit que le marché de l’ancien (environ 50 000 ventes prévues pour 2023), la demande y est en chute brutale : alors que les mises en vente ont baissé, au premier semestre 2023, de 28,8 %, les ventes ont accusé une chute de 30,8 % par rapport à la période correspondante de 2022. Du côté des promoteurs, c’est la douche froide : ne trouvant plus d’acquéreurs, un nombre croissant d’entre eux abandonne des opérations ; on estime ainsi que 700 promoteurs immobiliers ont déposé leur bilan depuis le début de l’année 2023, entrainant dans leur chute les architectes, les entrepreneurs du BTP et leurs sous-traitants. « La hausse des coûts de construction, puis la hausse continue des taux, ont désolvabilisé progressivement les ménages, a, pour sa part, déploré mi-septembre 2023 Pascal Boulanger, le président de la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers). Acquéreurs et investisseurs particuliers ont déserté les bureaux de vente. » Même les offices de construction HLM ne produisent plus. « Le secteur connaît un moment très difficile, déplorait lundi 2 octobre dans Le Monde Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, la fédération des bailleurs sociaux. On devrait produire en 2023 moins de logements sociaux que les 90 000 de 2022, ce qui était déjà un mauvais chiffre. La baisse est considérable par rapport au 125 000 logements atteints en 2017. »

Vers la fin du durcissement des politiques monétaires

Dans ce contexte de crise générale pour toute la filière de l’immobilier, à quoi s’attendre dans les mois qui viennent sur le front des ventes immobilières ? Alors que le pic de l’inflation est passé en France (« l’inflation semble se réguler depuis cet été, observe Caroline Arnould, autour de 5,9 % en Europe, contre plus de 10 % en octobre 2022 ; et elle devrait se stabiliser, en France, autour de 2 % fin 2023 »), une bonne nouvelle est mise en avant par la plateforme immobilière Meilleurs Agents : « Nous assistons à la fin du durcissement des politiques monétaires, déclarait, début septembre 2023, Thomas Lefebvre, son directeur scientifique, avec pour conséquence la fin de la hausse des taux d’intérêts et une période de stabilité qui s’ouvre avec des taux stabilisés à 4 % pour les mois à venir. » « La fin de la hausse systémique des taux permet aux banques de desserrer leur politique d’octroi de crédits, se félicite pour sa part Caroline Arnould. En retrouvant des marges convenables, elles reviennent progressivement sur le marché pour distribuer du crédit. »

Mais rouvrir le robinet du crédit suffira-t-il à relancer les transactions immobilières en France ? Alors que Meilleurs Agents table sur un volume de transactions qui redescendrait, sur l’ensemble de l’année 2023, à 890 000 ventes (soit une baisse de 20 % par rapport à 2022), « leur nombre devrait encore diminuer en 2024, poursuit Thomas Lefebvre. Pour les douze prochains mois, nous anticipons un volume annuel de 800 000 transactions, soit une baisse de 10 % par rapport à 2023. » Pour revivre l’âge d’or de l’immobilier, il va certainement falloir patienter encore un peu…

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