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Le faubourg Saint-Germain : « Luxe Story »
Préservé du souffle de l’Histoire par l’obstination d’une noblesse légitimiste à « persévérer dans son être en face d’une société nouvelle, bourgeoise, négociante, affairiste », le faubourg Saint-Germain conserve encore aujourd’hui un cachet très élitiste. Ainsi la politique n’est-elle pas l’apanage de celui que l’on baptise désormais le « quartier des ministères » ; le luxe et le design y ont également droit de cité ! Du reste, ce « faubourg » n’est pas tant un quadrilatère, comme nous l’affirment les cartographes, qu’un « triangle d’or » pour tout ce qui a trait à l’agencement de l’habitat… et au sein duquel la cuisine équipée règne en souveraine. Visite guidée !
Il n’y a guère, sans doute, que les duellistes qui aient pleuré, en ce début de XVIIIe siècle, la disparition du Pré-aux-Clercs. Le destin de cette prairie célèbre n’est, du reste, pas complètement dépourvu d’ironie ; tandis que la noblesse française, délaissant Versailles pour retourner à Paris sous la régence de Philippe d’Orléans, entreprenait d’ériger un écrin à sa mesure sur la rive gauche de la Capitale, elle s’apprêtait à faire disparaître ce haut lieu de la mémoire aristocratique, où tant des siens étaient tombés.
Détrônant, en quelques années seulement, le Marais dans le cœur de la noblesse fortunée, celui que l’on qualifie encore aujourd’hui de « noble faubourg » allait alors, sous l’impulsion de l’architecte nantais Germain Boffrand, s’agrémenter de magnifiques hôtels particuliers destinés à ladite noblesse, et dont certains des plus beaux spécimens subsistent encore aujourd’hui.
Bien sûr, le chemin n’a pas été de tout repos, et le temps et l’histoire ont faire leur oeuvre; songez que, des quelque 200 hôtels que comptait le quartier sous la Restauration (1814- 1830), il n’en restait qu’une cinquantaine en 1953. C’est d’ailleurs à l’aristocratie que l’on doit sans doute ces rescapés, ainsi que l’explique le quotidien Le Monde dans un article publié le 27 décembre 1967 :
Balzac a été le témoin du “superbe isolement », où sont entrés les quartiers de l’Ouest, et tout spécialement le « Faubourg », sous la Restauration. En engloutissant des fortunes pour rendre leur éclat à des demeures somptueuses, datant de Louis XIV ou de Louis XV, devenues trop vastes et difficiles à tenir, la noblesse légitimiste démontrait son obstination à persévérer dans son être en face d’une société nouvelle, bourgeoise, négociante, affairiste. En face des quartiers où s’agite César Birotteau et, bien sûr, des recoins du Centre et de l’Est, les hôtels rénovés font la chaîne ; ils deviennent « la consécration matérielle des distances qui doivent les séparer ». Mais en relevant la citadelle « réactionnaire » du faubourg Saint-Germain, l’aristocratie a fait mieux que s’affirmer en un vain combat social : elle a préservé les plus beaux ensembles de l’architecture parisienne, à l’heure des lotissements et des découpages implacables.“LE FAUBOURG SAINT-GERMAIN”, LE MONDE, 1967
Un attrait certain pour les marques de prestige
Mais revenons au temps présent, dans ce faubourg Saint-Germain quelque peu bouleversé par le percement du boulevard éponyme entrepris par le baron Haussmann à partir de 1866, mais qui a su néanmoins conserver son « cachet » architectural caractéristique.
Les cartographes de la ville de Paris nous le décrivent comme un quadrilatère que forment le Palais Bourbon, l’école des Beaux- Arts, Saint-Sulpice et les Invalides ; pour les aficionados du design et du luxe, il tient plus, cependant, du triangle… et même du « triangle d’or ». Ainsi ce quartier parisien réunit-il, aujourd’hui, des showrooms de marques prestigieuses en matière d’agencement de l’habitat : Molteni&C, Cassina, Kartell, Polotrona Frau, BB Italia, Poliform, etc. Dans un tel environnement, la cuisine équipée ne manque d’ailleurs pas de s’épanouir : Dada, Bulthaup ou encore Poggenpohl comptent parmi les résidents d’un quartier qui exerce toujours, auprès des marques de luxe, un attrait certain.
Jugez plutôt : l’an passé, le fabricant suisse V-ZUG, qui compte parmi les acteurs incontournables de l’électroménager premium, a inauguré son V-ZUG Studio Paris au 1-3 rue Dupin (75006), en lisière du faubourg Saint-Germain. Ce somptueux écrin se caractérise notamment par son architecture longitudinale, entièrement visible depuis la rue, le long de ses 25 mètres de vitrine qui invitent à pousser la porte. Les lieux ont été imaginés comme un univers contemporain, sans faire fi de la touche parisienne historique conférée par l’alliance du verre et du métal qui structure les lieux. Un clin d’œil à son environnement direct, à l’instar du Bon Marché – à la renommée internationale – qui se dévoile face au Studio, ou encore du mythique Lutetia, qui rappelle, selon Nicolas Le Comte, directeur général France pour la marque, « que nos produits au design minimaliste s’intègrent à la perfection dans les décors de tout style et de toute époque ».
Et ce dernier d’expliquer les raisons pour lesquelles V-ZUG a porté son choix sur le faubourg Saint-Germain pour ouvrir son showroom: « Le quartier attire incontestablement une clientèle cible pour la marque. Il permet par ailleurs de ne pas circonscrire le visitorat aux seuls parisiens ; à l’occasion d’un week-end passé à Paris, par exemple, les gens en provenance de Marseille ou de Bordeaux viennent nous rendre visite et découvrir V-ZUG. » Et ces visiteurs, qui sont-ils ? « Le plus souvent, ce sont des consommateurs comme vous et moi, qui se recommandent de leur cuisiniste pour venir nous voir et en savoir plus sur nos produits et nos valeurs, poursuit Nicolas Le Comte. Nous ne pratiquons pas de vente directe, bien sûr, mais nous mettons tout en oeuvre pour leur faire vivre, au sein de ce showroom, une expérience unique de “look & feel”, se basant sur des couleurs inspirantes, des matières authentiques et un éclairage adapté qui invitent à se sentir comme à la maison. »
Le centre névralgique du design
Autre attrait du quartier, selon Nicolas Le Comte : la concentration de marques de luxe qui participent de l’attractivité qu’exerce le faubourg Saint-Germain sur une clientèle idoine. « Gaggenau a récemment ouvert dans le quartier, Boffi vient lui aussi d’inaugurer son nouveau showroom : cette multiplication des marques et des magasins haut de gamme, comme le nôtre, offre un véritable confort de visite à notre clientèle, qui n’est pas, de fait, contrainte d’arpenter Paris d’un bout à l’autre pour trouver ce qu’elle cherche. Ainsi le faubourg Saint-Germain, de par la nature des marques qui choisissent d’y élire domicile, qualifie-t-il un peu plus encore notre visitorat. »
Et puisqu’il est question de Gaggenau, touchons donc un mot de l’ouverture du nouveau Flagship parisien de la marque, qui a élu résidence, en février 2023, au 240 boulevard Saint-Germain (75007). Au carrefour de ce dernier, du boulevard Raspail et de la rue du Bac, le showroom profite d’une situation ni plus ni moins qu’exceptionnelle, dont se réjouit d’ailleurs Sarah Zerbib, directrice commerciale et marketing Gaggenau France : « Nous avons souhaité quitter nos anciens locaux de la rue de Tilsitt (75017) – un endroit certes merveilleux mais que je qualifierais de “protégé” – pour emménager au cœur d’un quartier qui correspond en tous points à l’ADN de la marque : le design et l’équipement de luxe destiné à l’habitat. Ce faisant, nous nous rapprochons de nos clients. » Et Sarah Zerbib de préciser: « Le faubourg Saint- Germain compte également nombre de prescripteurs, d’architectes, et de marques qui affichent des positionnements en phase avec Gaggenau. Aussi sommes-nous parfaitement à notre aise dans ce quartier. »
La marque Boffi, quant à elle, constitue un cas à part. Si elle vient en effet d’emménager dans un somptueux showroom sis au 16 boulevard Raspail (75007), c’est après avoir quitté… l’adresse (mythique) du 234 boulevard Saint-Germain, 28 ans après l’avoir quittée. Il faut donc la considérer, non pas comme une nouvelle venue, mais comme une véritable « Gavroche », native d’un quartier dont il n’est pas besoin de lui vanter l’attrait : « Historiquement, Boffi Paris a été l’un des premiers showrooms à ouvrir, au sein du groupe, en dehors de l’Italie, précise Alberto Brero, directeur général Boffi|DePadova France. Et c’est tout naturellement le faubourg Saint-Germain que nous avons choisi pour élire domicile. Nous sommes donc nés dans ce quartier, centre névralgique du design et correspondant parfaitement à l’ADN de la marque. »
Soit… Mais pourquoi, alors, avoir décidé de déménager, ne serait-ce qu’à cinq minutes à pied ? Responsable communication et marketing Boffi|DePadova France, Inès Gilman nous éclaire sur ce point : « Jusqu’alors, le showroom du boulevard Saint-Germain était consacré à la cuisine, tandis que le magasin de la rue de la Chaise (que nous utilisons encore aujourd’hui) présentait l’offre bain de la marque. Or, après le rachat de DePadova en 2015 et la création par le groupe d’une offre transversale dédié à l’aménagement de l’habitat, cette dernière n’a pas été perçue de manière limpide par nos clients. Aussi avons-nous décidé d’investir les 850 m2 de ce nouvel espace, afin de regrouper les offres de chaque marque en un seul et même lieu, élégant et raffiné : pensé comme un « art de vivre », le concept d’habitat tel que nous l’entendons prend ainsi une nouvelle dimension… à 360° ! »
Des expériences visuelles et tactiles uniques !
S’il est un point commun que partagent ces trois showrooms, c’est bien la volonté de faire vivre, comme nous l’a confié Nicolas Le Comte, par exemple, une « expérience sensorielle » aux visiteurs. À l’intention de celles et ceux qui doutent de l’importance de cette démarche alors qu’il n’est question, somme toute, que d’acheter un four ou une cuisine, le directeur général France de V-ZUG explique d’ailleurs que « cette expérience sensorielle est désormais incontournable pour une marque comme la nôtre. Il ne s’agit pas tant de vanter les qualités techniques de tel ou tel produit – qui sont certes très importantes mais qui peuvent être détaillées par le cuisiniste en magasin – que de permettre d’appréhender la marque dans sa globalité : ses valeurs, son rapport au développement durable et au design, ou encore tous les services qu’elle prodigue à ses clients. Par ailleurs, notre V-ZUG Studio a vocation à inspirer le visiteur qui, alors qu’il nous rend visite, n’a vu sa cuisine et ses appareils électroménager que chez le cuisiniste ; dans notre showroom, il les découvre en situation, mis en scène dans différentes ambiances, et peut ainsi se projeter dans son futur intérieur. »
Sarah Zerbib ne pense d’ailleurs pas autrement : « Profitant de sa situation géographique idéale au cœur du Faubourg Saint-Germain, notre Flagship Gaggenau Paris se destine notamment à recevoir celles et ceux qui sont encore en quête d’inspiration, soit bien en amont de la phase projet. Le lieu est ainsi conçu de telle manière à les inviter à découvrir la marque ; et ce grâce, notamment, à notre espace multi sensoriel « The Difference ». C’est un endroit au sein du showroom unique à bien des égards, un espace-temps un peu à part qui permet au visiteur, à travers une scénographie soignée et très immersive, de découvrir l’essence de Gaggenau: son savoir-faire caractéristique, né dans une forge il y a 340 ans aujourd’hui, sa maîtrise de l’émail bleu, du silicium qui évoque la technologie des puces électroniques… et enfin son histoire, riche et passionnante.»
Son histoire ? Mais en quoi celle-ci peut-elle bien intéresser le consommateur ? Sarah Zerbib s’en explique : « Par essence, une marque de luxe peut se prévaloir d’une histoire, qui s’ancre dans sa mémoire collective et tisse une culture. Le cheminement industriel de Gaggenau, par exemple, a donné naissance à notre savoir-faire d’aujourd’hui qui, conciliant une technologie de pointe et un artisanat très exigeant, justifie notre positionnement sur le segment du luxe. »
Un avis, du reste, partagé par Alberto Brero et Inès Gilman: « L’ADN de Boffi, son histoire, sa culture sont imprégnés d’un travail sans équivalent sur les matériaux, explique le premier. Des matériaux travaillés de manière artisanale, que vous ne retrouverez chez aucun de nos confrères, et qui permettent à la marque de se différencier sur le segment du luxe dans le domaine de la cuisine équipée. » Et la seconde de poursuivre : « Nous fêterons, l’an prochain, notre quatre-vingt dixième anniversaire. Cette longue et belle expérience nous ainsi conféré un savoir-faire sans égal, notamment dans le domaine du travail des matériaux qu’évoquait Alberto à l’instant. Je songe, entre autres, à la finition laque Metals, entièrement réalisée à la main, et que vous ne retrouverez que chez Boffi. Et c’est cette expertise que nous avons voulu illustrer et mettre en scène dans notre nouveau showroom, à travers une expérience visuelle et tactile unique ! »
Ma foi, voilà qui mérite bien une petite visite.