S’il n’a que 32 ans, Benjamin Abbou, qui a créé l’an passé l’enseigne Elton et ouvert le premier concept store à Saint-Bonnet-de-Mure, dans la banlieue lyonnaise (69), sait où il va et ce qu’il veut : proposer au particulier une expérience de conception et d’achat de cuisine unique, comme on en trouve nulle part ailleurs… Et comment souhaite-t-il concrétiser cette belle et noble ambition ? A lui de nous le dire !

Benjamin Abbou, créateur de l’enseigne Elton : « Notre objectif est de susciter chez le particulier une émotion, et de lui permettre de réaliser un achat plaisir. »
Cuisines & Bains Magazine : J’ai envie de vous poser la question qui figure sur vos publicités : « But who the fuck is Elton ? » (« Mais qui est donc Elton » )
Benjamin Abbou : Elton, c’est avant tout un concept que je crois novateur. L’enseigne est née d’un constat : tandis que les modes de consommation connaissent une véritable révolution (Uber, Deliveroo, Airbnb, etc), l’univers de la cuisine, quant à lui, est demeuré figé dans le temps. Ainsi une étude ethnomarketing menée auprès d’une trentaine de prospects, chacun à un stade différent du projet (phase d’achat, achat effectué, cuisine posée) m’a-t-elle appris que de nombreux particuliers se méfient encore des spécialistes cuisine ; ils s’attendent à tomber sur un vendeur avec la chemise double col, la grosse gourmette et le parfum qui sent très fort, ils appréhendent la technique dite du « passage de main »… Bref, de peur de se faire escroquer, ils préfèrent se rendre chez Ikea qui, pour le marché français, demeure l’Argus de la cuisine. Bien sûr, les clichés ont la vie dure, mais ils contiennent toujours une certaine part de vérité. Et si les univers de la restauration, des voyages ou encore des transports ont su s’adapter aux attentes nouvelles des particuliers, la cuisine, quant à elle, demeure vendue comme en 1989. Avec Elton, j’ai voulu apporter une réponse en phase avec les nouveaux modes de consommation.

Benjamin Abbou : « Il ne s’agit pas tant, en adoptant ce slogan, de surprendre pour surprendre ; l’idée est surtout de montrer que nous fonctionnons autrement, c’est ça l’ADN d’Elton !»
CBM : Cette réponse passe, notamment, par une communication différente de ce qui existe à ce jour…
BA : Oui, mais pas seulement ! Naturellement, notre communication décalée, nos publicités un peu provoc’ visent à se distinguer des «3 achetés, 1 offert», ou encore des «Soldes du mois», car cela n’est jamais gratuit. La réponse novatrice de l’enseigne porte sur la forme ET sur le fond. Il ne s’agit pas tant, en adoptant le slogan «But who the fuck is Elton ?», de surprendre pour surprendre ; l’idée est surtout de montrer que nous fonctionnons autrement, c’est ça l’ADN d’Elton !

L’idée, dans le magasin Elton de Saint-Bonnet-de- Mure, n’est pas tant de montrer beaucoup, mais de montrer bien. Aussi les expositions sont-elles particulièrement bien soignées et mises en valeur.
CBM : Dites-nous en plus sur cet ADN…
BA : Chez Elton, la notion d’expérience client est fondamentale : notre objectif est de susciter chez le particulier une émotion qui lui permette de passer d’un achat de raison à un achat plaisir. Pour ce faire, il est important de lui faire vivre une « expérience » ; tout est résumé dans ce mot.

Lieu de convivialité et d’échange, le Elton Café est un endroit clé du parcours client dans le magasin ; c’est là où tout commence… et où tout se décide.
CBM : En quoi l’expérience que vous faites vivre au client est-elle différente de celles vécues dans les magasins de cuisine existants ?
BA : L’expérience est tout d’abord digitale : il s’agit d’une approche novatrice effectuée en magasin, et qui vise à cerner précisément la personnalité, le mode de vie et les attentes du client. Il faut aussi toucher un mot de notre site Internet, décalé, disruptif, et qui reflète fidèlement l’esprit et la philosophie de l’enseigne. Enfin, nous portons une attention toute particulière à la notion de service et d’accompagnement, notamment dans la phase post-projet. Il est des vendeurs de cuisine qui, lorsque leur affaire est conclue et qu’ils ont reçu leur chèque, passent à autre chose ; pour nous, c’est à ce moment-là que tout commence.

En sus des expositions cuisine, tout ce qui se trouve dans le magasin (luminaires, chaises, objets déco, etc) peut être acheté.
CBM : Expliquez-nous ça en détails : que se passe-t-il lorsqu’un particulier passe la porte du magasin ?
BA : Il y a d’abord un effet de surprise, visuel et olfactif grâce à un diffuseur d’une fragrance étudiée pour la marque : le particulier découvre ainsi un magasin de 600 m2 où il fait bon vivre, et où l’on ne vous saute pas dessus de manière agressive sitôt passé la porte. Une musique des années 70/80 assez « cool », des communications insolites conçues sur le mode de l’humour, des expositions inspirantes, qui ne font pas dans la surenchère (l’idée n’est pas de montrer beaucoup mais de montrer bien), etc. À noter que l’esprit du magasin est en tous points fidèles à celui du site Internet ; si le particulier a découvert l’enseigne par ce biais, il ne se sent pas « lésé sur la marchandise» en nous rendant visite. Une fois qu’il a pris ses aises, le client est accueilli par un de nos 5 « Personal Kitcheners » : il ne s’agit pas de vendeurs au sens propre du terme, mais de jeunes architectes d’intérieur diplômés, destinés à concevoir la cuisine qui corresponde vraiment au client. Le Personal Kitchener présente alors au particulier le magasin, la philosophie de l’enseigne sans jamais aborder la question du budget : la priorité, c’est le client. Et pour découvrir ses attentes, il faut alors entrer dans la phase découverte.
CBM : En quoi consiste cette phase découverte ?
BA : Entièrement digitale, elle dure deux heures et s’effectue en plusieurs étapes, à l’aide d’une tablette tactile équipée d’un logiciel conçu exclusivement pour Elton. Un « Moodboard », par exemple, permet de dresser, à l’aide d’un portrait chinois (Si vous étiez un animal, un voyage, une habitation, un plat, un objet de déco… Lequel seriez-vous ?), une fiche d’identité du client : cette étape nous permet d’appréhender ses goûts, son mode de vie, etc. Un second temps consiste, pour le particulier, à lister ses attentes principales vis-à-vis de l’enseigne. Après vient le On Tour, au cours duquel le Personal Kitchener, en se promenant dans le showroom avec le client, note sur la tablette, à l’aide d’un stylet, ce que ce dernier retient comme idées intéressantes concernant les expositions présentées dans le magasin. Au moment du Best Of, le particulier choisit parmi une trentaine de visuels cuisine celui qui lui fait le plus chaud au coeur. Par ailleurs, un Profiling permet de formuler précisément ses besoins. Nous n’abordons l’étape How much, c’est-à-dire celle qui concerne le budget, qu’en toute fin de phase découverte. L’approche est la suivante : dis-moi qui tu es et ce dont tu as besoin, et je vois ce que je peux te proposer. Quoi qu’il en soit, nous ne définissons pas notre clientèle en terme de budget, mais plutôt selon un besoin de service, d’accompagnement. Il faut certes avoir un peu de sous, mais le ticket d’entrée n’est pas de 15 000 € chez Elton : avec 7 ou 8000 €, on peut déjà faire des choses très bien.
CBM : Une fois les attentes du client formulées et la question du budget évoquée, comment se déroule le reste de l’expérience ?
BA : Le Personal Kitchener travaille alors de son côté sur le projet, en effectuant notamment un sourcing sur Internet : Pinterest, ArchiTonic, ArchDaily, etc. Entretemps, notre Personal Assistant passe au particulier un appel de courtoisie pour savoir si sa visite s’est bien passée et s’il a des questions concernant cette dernière. Dès lors que le Personal Kitchener a bien avancé sur le projet, il envoie par email une première base d’idées au client, lequel constate une véritable implication, une recherche créative de notre part : un échange constructif se crée, permettant d’affiner le projet. Une fois que celui-ci est prêt, rendez-vous est pris avec le client en magasin pour lui présenter le projet et lui faire une proposition d’achat. Nous jouons avec lui cartes sur table, en lui faisant comprendre qu’il ne subira pas de pressions pour accepter la proposition : j’ai d’ailleurs coutume de dire que nous ne sommes pas là pour vendre, mais pour faire acheter les gens. Le Personal Kitchener commence par présenter au particulier son projet sur papier A3…
CBM : Pourquoi sur papier ? Pour une enseigne comme la vôtre, c’est un peu anachronique, non…
BA : Pas du tout ! Nous voulons que le client fasse l’effort intellectuel de comprendre toutes les subtilités du projet en matière d’ergonomie. Une fois ces dernières assimilées, le Personal Kitchener et le particulier font le tour du magasin pour que celui-ci découvre, de visu, tous les détails du projet : meubles, matériaux, plans de travail, etc. Ils terminent alors en visualisant, sur ordinateur, le projet en 3D. C’est à ce moment là que la proposition d’achat est formulée.
CBM : Admettons que le particulier ait décidé d’acheter la cuisine…
BA : Il est alors entièrement pris en charge par notre Personal Assistant. Le lendemain de la vente, celui-ci fait livrer un bouquet de fleurs au client. Il s’occupe ensuite de coordonner entièrement l’intervention des différents acteurs pour la pose de la cuisine, s’assure du suivi des travaux et de la réception de chantier, prévoit la visite d’un chef à domicile une fois que la cuisine est posée, etc. Il s’agit d’un véritable service clé en main, en somme.
CBM : À quand de nouveaux magasins Elton, alors ?
BA : Je veux prendre le temps d’aller vite. Aussi, patience : tout ce que je peux vous dire, c’est que nous n’en sommes qu’au premier épisode…