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L'ensemble immobilier de la rue Agar à Paris. Photo Arthur Weidmann/Wikimedia Commons

28.5.2024

Retour progressif des éclaircies sur le marché de l’immobilier

À la faveur de conditions bancaires plus favorables aux acquéreurs qui leur permettent de lancer (ou relancer) leur projet, la situation sur le marché de l’immobilier dans l’ancien laisse entrevoir une dynamique plus positive pour les prochains mois qu'elle ne l'a été l'an passé. Prix immobiliers, niveaux des transactions et évolutions des taux de crédit : quels scenarii se dessinent pour 2024 et 2025 ?

Par Clémence Louis

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Mardi 16 janvier 2024. Conférence de presse de la Fnaim (Fédération nationale de l’immobilier). Son président, Loïc Cantin, a la mine des mauvais jours. Devant le parterre des journalistes accueilli pour l’occasion au siège de l’organisation, à Paris, il annonce : « L’année 2023 a été marquée, pour le marché immobilier dans l’ancien, par une décélération brutale du nombre des transactions, inégalée depuis 50 ans. » Soit, sur douze mois, 875 000 actes authentiques signés, en baisse de 22 % par rapport à 2022. « Même si ce chiffre n’est pas alarmant, nous avons tout de même fait un bond en arrière de sept ans, déplore le président de la Fnaim. Le logement a été confronté à un retournement de marché inédit. » À l’origine de cette dégringolade : l’effet combiné, désormais bien connu, de l’inflation et de la hausse des taux d’emprunt immobilier, conjuguées aux difficultés croissantes rencontrées par les Français d’accéder au crédit immobilier. « En deux ans, ils ont perdu 15 % de pouvoir d’achat immobilier », précise Loïc Cantin.

UN MOIS DE MARS « PLUS SOURIANT »

Avril 2024. Alors que l’inflation semble maîtrisée (2,3% en mars 2024, selon l’Insee – Institut national de la statistique et des études économiques) et que le pic des taux de crédit immobilier a été atteint (en décembre dernier, les candidats à l'accession à la propriété empruntaient à un taux proche des 4,3 %), le ciel commence à se dégager sur le front de l’immobilier. « Nous sommes passés du rouge à l’orange », illustre dans les colonnes du Journal du Dimanche du 7 avril Charles Marinakis, président du puissant réseau Century 21 France, se félicitant de constater que les 1 000 implantations de son enseigne ont enregistré, depuis janvier, une hausse des visites des biens qu’ils ont sous mandat de 10 % à 20 %. « Nous avons connu des mois de janvier et février très difficiles, mais mars est beaucoup plus souriant, abonde Guillaume Martinaud, président de la coopérative immobilière Orpi. Nous commençons à voir nos données qui remontent. » Avec notamment, pour l’enseigne aux 1350 agences déployées sur le territoire, une progression du nombre d’estimations de biens réalisées de 20 % sur janvier-février-mars 2024 versus le dernier trimestre de 2023. « Notre activité repart, nous sentons un frémissement depuis quelques semaines », rejoint enfin Olivier Descamps, directeur général France de iad, réseau qui compte près de 14000 négociateurs immobiliers indépendants en France. Et d’illustrer: « Sur la seule journée du 25 mars, nos entrepreneurs ont signé 1 000 mandats et 300 compromis, soit des scores que nous n’avions pas atteints depuis des mois. »

Ce frémissement « prometteur » que connaît le marché immobilier en ce début de printemps 2024 est, selon Yann Jéhanno, président de la franchise immobilière Laforêt (plus de 700 agences dans l’Hexagone), stimulé par trois principaux leviers. « D’une part la baisse des taux d’intérêt, passés de 4,24 % à 3,99 % entre décembre 2023 et février 2024, a redonné une dynamique aux projets immobiliers en attente, dit-il. D’autre part, la baisse des prix amorcée l’an dernier, et qui se poursuit, s’accompagne d’un regain dans la production de crédits, avec + 8,5 % de prêts accordés à fin février 2024. »

DES CONDITIONS BANCAIRES PLUS FAVORABLES AUX ACQUÉREURS

C’est en effet LA bonne nouvelle de ce deuxième trimestre 2024 sur le front de l’immobilier : les banques sont revenues sur le marché du crédit (en 2023, la contraction des volumes accordés avait atteint 41 % !). Après avoir reconstitué leurs marges au cours des trois derniers mois de 2023, « elles ont rouvert les vannes », confirme Caroline Arnoult, directrice générale du courtier Cafpi. Et pour cause, ajoute-t-elle: « Elles se bagarrent à nouveau à coups de baisses de taux et d’opérations promotionnelles pour conquérir de nouveaux clients. Car depuis 2023, elles n’en n’ont guère conquis... Et une banque qui ne fait pas de crédit est une banque qui ne gagne pas de clients. » Résultat : Cafpi se félicitait, mi-avril 2024, de sortir des taux d’emprunt sur 20 ans compris entre 3,75 % et 3,80 %. Redevenue, pour les établissements bancaires, un arme commerciale et un élément de fidélisation de nouveaux clients, la production de crédit s’accompagne également crescendo, depuis plusieurs semaines, d’offres complémentaires de soutien, à l’image de celles déployées par le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel sous la forme d’offres complémentaires de prêt à taux zéro, s’ajoutant à un emprunt classique pour soutenir la solvabilité des accédants à la propriété. De plus, « le marché immobilier peut se féliciter des assouplissements accordés aux banques, par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), qui peuvent déroger aux règles prudentielles jusqu’à 20 % de leur production de nouveaux crédits immobiliers octroyés », constate Vincent Desruelles, directeur d'études, spécialiste immobilier au sein du cabinet Xerfi.

Et comme l’évoquait plus haut Yann Jéhanno, patron de Laforêt, l’autre bonne nouvelle pour la filière de l’immobilier, depuis le début du printemps, est la baisse des prix immobiliers. Retrouvant un certain équilibre entre l’offre et la demande, « le marché immobilier continue de s’ajuster, observe-t-il, avec un repli des prix qui se confirme au niveau national, de 1,2 %, atteignant désormais 3303 euros le mètre carré. Cette correction, bien que modérée, se révèle un indicateur clé d’une légère reprise de l’activité immobilière dans l’ancien. »


UNE REPRISE DE L’ACTIVITÉ « PROGRESSIVE » ET ENCORE « FRAGILE »

Une « légère » reprise ? Oui. Car malgré ces signaux encourageants (Xerfi table sur une contraction des prix immobiliers, cette année, de 3,8 % sur l’ensemble de la France métropole, dont -6,3 % en Île-de-France et -2,8 % en province), la partie est loin d’être gagnée pour les professionnels de l’immobilier. « Il faudrait que les propriétaires continuent d’accepter une diminution des prix pour que l’activité reparte réellement », reprend Charles Marinakis dans le JDD. En effet, même si le réseau est passé en quelques semaines « du rouge à l’orange », ses ventes, sur douze mois glissants, affichaient, à la fin du premier trimestre 2024, un pâle -11,2 %. Même prudence affichée au sein du réseau Orpi : certes, les ventes y ont amorcé un « redémarrage en douceur » au T1 2024 (+2 % par rapport aux derniers mois de 2023). « Pour autant, si l’on compare à l’année dernière, notre nombre de compromis n’a pas retrouvé ses hauts niveaux de 2022, avec une baisse de 19 % par rapport au premier trimestre 2023 », précise le président Guillaume Martinaud.

CRÉDIT : LES TAUX CONTINUERONT À BAISSER

Dans ce contexte de “frémissement”, que présager pour la dynamique de la filière immobilière sur l’ensemble de l’exercice 2024 et au-delà ? « Le prochain trimestre sera déterminant pour relancer le dynamisme du marché immobilier, répond-on au sein du portail d’annonces Bien’ici. Le printemps est traditionnellement la période la plus propice aux transactions immobilières, une partie importante des ménages souhaitant privilégier un déménagement avant la prochaine rentrée scolaire. »

Sur la question des taux de crédit, peu de craintes à avoir sur une éventuelle remontée: « Ils continueront à baisser en 2024, a affirmé Caroline Arnoult (Cafpi), le 26 mars dernier, sur le plateau du journal Immomatin. J’en veux pour preuve la position de FED (Réserve fédérale américaine) qui a affirmé qu’elle baisserait ses taux directeurs, cette année, à trois reprises, de 0,5 %. La Banque centrale européenne (BCE) devrait suivre ce mouvement. Cette baisse pourrait intervenir dès juin prochain. En conséquence, nous anticipons, chez Cafpi, des taux à 20 ans autour de 3,3 % à horizon fin 2024. Ce qui, dans l’histoire des taux, sont des niveaux excellents ! » « Nous nous attendons à ce que les taux d’emprunt n’augmentent plus, voire se détendent en 2025 (sauf choc macroéconomique ou géopolitique) si l’on se fie aux récentes déclarations de la BCE qui écarte des nouvelles hausses de taux, confirme Vincent Desruelles, chez Xerfi. L’immobilier repose sur des facteurs structurels de besoins, puis sur la volonté toujours aussi forte des Français d’accéder à la propriété, que ce soit dans le cadre de l’acquisition d’une résidence principale, secondaire, ou dans un investissement. »

TRANSACTIONS : VERS UNE NOUVELLE BAISSE EN 2024

Cette détente de la politique monétaire resterait néanmoins insuffisante pour relancer vigoureusement les ventes immobilières. Telle est prévision du cabinet Xerfi : « Nous tablons, pour 2024, sur une poursuite de la baisse des volumes de ventes, certes moins forte qu’en 2023, mais néanmoins significative, pour approcher les 800000 transactions à la fin de l’année sur douze mois (contre 875000 en 2023, NDLR) », indique Vincent Desruelles. Même prudence du côté de Charles Marinakis chez Century 21 France : « Les transactions seront sans doute en baisse de 5 à 8 % cette année, table-t-il dans le JDD. Et attention à ce que la baisse des taux de crédit n’entraîne pas une nouvelle poussée de fièvre des prix immobiliers ! » Quant à 2025, « nos prévisions de ventes immobilières restent orientées à la baisse, reprend Vincent Desruelles, pénalisées par des prix qui ne reculeront pas de manière assez significative. »

IMMOBILIER, BÂTIMENT ET ÉQUIPEMENT DE LA MAISON : LE NOMBRE DES DÉFAILLANCES D’ENTREPRISES GONFLE

Fin mars 2024, le cabinet Altares a annoncé que le nombre de défaillances d’agences immobilières avait quasiment doublé sur les trois premiers mois de l’année 2024 par rapport au T1 2023, soit 374 défaillances comptabilisées sur la période. Même tendance dans le bâtiment : le secteur a enregistré une hausse de 29 % (1 269 défaillances) dans le gros œuvre et de 25 % dans le second œuvre (2 064). Ces tensions ont concerné également les entreprises de matériaux de construction dans le commerce de gros (86, soit +41 %) ou la fabrication (57, soit +30 %). Enfin, le segment de l’équipement de la maison n’a pas été épargné, avec 310 défaillances d’entreprises enregistrées au T1 2024 (soit +62 %), dont 106 défaillances sur le secteur de l’ameublement, où le nombre de défauts a quasiment doublé en un an.

IMMOBILIER NEUF : LA SITUATION S’AGGRAVE

335 000 permis délivrés (-19 %) et 280 000 chantiers commencés (-25 %) en 2023 sur l’ensemble du territoire : jamais, depuis que l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) comptabilise annuellement les permis de construire et les mises en chantiers les chiffres n’avaient été aussi bas. Pis, en 2024, la situation s’est aggravée : l’inflation, la hausse des matières premières, les coûts du foncier élevés et le prix des matériaux ont continué à fortement ralentir la production de logements neufs dans l’Hexagone : l’offre de programmes neufs a ainsi baissé de 10 % entre le premier trimestre 2023 et le premier trimestre 2024, selon le portail d’annonces Bien’ici. « Les mises en chantier chuteront de 14 % en 2024 à l’échelle nationale, prophétise Vincent Desruelles, directeur d'études, spécialiste immobilier au sein du cabinet Xerfi. Pour 2025, nos projections font toujours état d’une baisse, mais de manière moins significative. On évoque même un scénario de reprise à partir de fin 2025. Progressivement, les conditions de financements iront vers l’amélioration. Des projets seront relancés. Puis l’on assistera à un redéploiement progressif des promoteurs et des collectivités vers des segments de marché qui résistent mieux : reconversion, recyclage urbain ou encore logement intermédiaire. »

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