Qui a regardé l’émission « Capital – Guerre des marques : elles se battent pour équiper votre maison » diffusée le 1er novembre sur M6 ? Le magazine consacrait notamment un segment d’une demi-heure au secteur de la cuisine ; baptisé, de manière un peu martiale, « La guerre des cuisines est déclarée« , celui-ci entendait faire toute la lumière sur les méthodes de marketing, de communication et de vente en vigueur sur le marché…
Je n’entends pas, dans ce billet, juger de la qualité de cette émission ou en faire un décryptage exhaustif : notre confrère Culture Cuisine s’est déjà livré avec brio à cet exercice. Je préfère, pour ma part, vous entretenir du clou du spectacle : cette visite en caméra cachée chez un cuisiniste demeuré anonyme. C’est d’ailleurs une caricature, en fait de spectacle, que nous a proposée ce monsieur.
Revenons sur les faits, si vous le voulez bien : deux journalistes équipés d’une caméra cachée et se faisant passer pour un couple rendent visite à un spécialiste cuisine dont l’émission tait le nom, l’adresse et l’enseigne à laquelle il est affilié ; le spectateur apprend juste que ladite enseigne est réputée pour ses méthodes de vente pour le moins agressives.
L’accueil des faux époux mérite à lui seul un Oscar : les mains dans les poches, chemise à moitié ouverte et adossé à une cuisine d’exposition, le gérant du magasin laisse venir à lui les les clients potentiels avec tout l’aplomb d’un homme sûr de son coup. Je lui reconnais cependant une certaine audace : en ces temps où la qualité de l’accueil et du service fait toute la différence entre une vente réussie ou ratée, il faut en avoir pour accueillir les particuliers d’une manière aussi cavalière ! D’autant que l’émission, évoquant les plagiats de modèles entre l’une et l’autre marque, laisse à penser au spectateur que l’offre entre tel ou tel fabricant, c’est du kif ! Dans ces conditions, vous vous doutez bien que celui-ci va prêter une attention toute particulière à l’accueil. Même l’enseigne à laquelle est affilié le cuisiniste piégé – si, si, nous savons parfaitement qui il est – insiste régulièrement auprès de ses franchisés sur l’importance de la qualité du service… Bref, passons.
Après avoir vanté aux époux les mérites des modèles exposés, le gérant confie ces derniers à l’un de ses vendeurs. C’est là que ça devient franchement croustillant ; d’autant que le film en caméra cachée est visionné après coup puis commenté par une ancienne employée du cuisiniste en question ; elle, forcément, connaît le dessous des cartes.
Revenons au vendeur : après avoir demandé à ses clients potentiels une indication du budget qu’ils entendent consacrer à leur cuisine, il entreprend de dessiner, à main levée, un projet bien torché, histoire de leur en coller plein les mirettes ! Seulement, voilà : le devis associé au projet est tout simplement délirant.
Naturellement, le couple s’insurge. La suite, vous la devinez : Zorro entre en scène. Dans un remake bien ridicule à souhait de la saynète dite du piqueur, du vendeur et du finisseur, le gérant intervient et précise aux époux que, en sa qualité de brillantissime franchisé, il dispose d’une enveloppe destinée aux remises clients. En revanche, le couple serait fort avisé de signer la vente sur le champ, parce que là, manque de bol, il ne lui reste que 2500 € dans ladite enveloppe. Demain, elle sera complètement épuisée, pensez donc, il aura vendu 2 à 3 cuisines d’ici là… Le but de la mise en scène étant, bien sûr, d’harponner le client dès la première visite.
On rappellera enfin que ce guignol se fait régulièrement allumer sur les forums de consommateurs. Et franchement, il y a de quoi ! Entre un accueil digne d’un playboy de supermarché et des crapuleries en guise de méthodes de vente, il ne fait certes pas honneur à une profession qui, dans son écrasante majorité, est composée d’hommes et de femmes dont il faut louer le professionnalisme et l’honnêteté.
Capital a-t-il volontairement choisi un margoulin, qui ne représente en rien la profession, ou est-ce seulement le fait du hasard ? Cela, on ne le saura sans doute jamais…