Le site Internet Houzz, qui offre aux particuliers envisageant de rénover tout ou partie de leur habitat une source quasi inépuisable d’inspiration (9 millions de photos mises en ligne par des professionnels et 4 millions de produits sélectionnés), vient de publier les résultats d’une étude baptisée « Tendances Cuisine 2016« .
Réalisée auprès des particuliers français inscrits sur Houzz qui ont rénové leur cuisine dans les 24 derniers mois, sont en cours de rénovation ou comptent la rénover dans les 3 prochains mois, celle-ci révèle l’existence d’une « Super Cuisine »…
Kezako, exactement ? Il s’agit, toujours d’après l’étude, d’une « pièce centrale qui bénéficie de toutes les attentions habituellement réservées aux pièces comme le salon ou la chambre. Ainsi les limites entre la cuisine et les autres pièces de la maison tombent peu à peu pour en faire un espace de vie à part entière. »
Les spécialistes que vous êtes pensez sans doute que, à tirer ce constat, l’étude en question enfonce des portes ouvertes… Je ne vous donne pas tort. Celles et ceux qui sont dans la partie depuis plusieurs années s’entendent régulièrement dire que l’usage des cuisines françaises ne se limite plus à cuisiner ou à prendre les repas : Houzz nous apprend ainsi que, pour plus d’un tiers des sondés, se rassembler (35 %) ou profiter d’autres activités (33 %) comme lire, regarder la TV ou y travailler est tout à fait naturel ; ils sont même 36 % à y passer plus de 3 h par jour.
D’où, à en croire l’étude, le souci pour 51 % des particuliers d’ouvrir la cuisine sur d’autres pièces, voir l’extérieur (35 % des sondés).
L’étude conclut que la « Super Cuisine est un salon, une salle de séjour et une salle à manger, qui se pare de belles finitions, d’une disposition travaillée et d’une décoration qui brouille les limites avec les pièces environnantes. »
Mmm… Je ne conteste pas les résultats de cette étude, mais je m’interroge : telle qu’elle est décrite ci-dessus, la Super Cuisine peut-elle demeurer fonctionnelle ?
Le patron d’une marque renommée me disait l’autre jour, tandis que je l’interrogeais au sujet du phénomène des cuisines dites fusionnelles, qu’il considérait celui-ci comme marginal. À l’écouter, la cuisine – pièce éminemment technique – devient compliquée à vivre lorsque le particulier entend en faire un usage intensif. « C’est comme de faire courir le Paris-Dakar à une Ferrari Modena« , m’a-t-il précisé.
Je suis parfaitement d’accord avec lui : la cuisine qui fusionne avec le séjour le fait pour des raisons avant tout esthétiques : elle cherche donc à faire oublier sa présence, se fait le plus discrète possible. Cette volonté paraît difficilement compatible avec un plan de travail jonché d’assiettes, d’aliments épluchés et de plats en cours de préparation.
Si, donc, la tendance de la Super Cuisine se révèle exacte, il faut en conclure que les Français cuisinent de moins en moins. Je ne dis pas que c’est forcément faux ; de fait, l’émission Capital diffusée le dimanche 10 janvier sur M6 consacrait un segment au boom des livraisons de petits plats cuisinés à domicile. J’entends pourtant que le succès des émissions culinaires comme Top Chef et Master Chef ont permis aux Français de renouer avec les plaisirs de la cuisine à domicile. Alors, qui croire ?
C’est soi l’un, soit l’autre : soit nos compatriotes prennent de plus en plus plaisir à explorer l’art culinaire, et dans ce cas la Super Cuisine ne me semble pas convenir à un tel plaisir ; soit ils sont de plus en plus férus de cuisines fusionnelles avec le séjour, ce qui constitue une bonne nouvelle pour les FoodChéri, Take Eat Easy et autres pros de la livraison de bonne bectance à domicile.